Le virus Ebola, dont la progression implacable en Afrique de l’ouest effraie le monde entier, perturbe les rencontres internationales de football sur le continent, parfois délocalisées par crainte de contamination, à cinq mois de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2015. Trois pays – la Guinée, d’où est partie l’épidémie, le Libéria, où elle a pris le plus d’ampleur, et la Sierra Leone, également fortement touchée – sont pointés du doigt alors que les qualifications pour la prochaine CAN débutent le 5 septembre. Mi-août, la Confédération africaine de football (CAF), l’instance régionale, a annoncé le déplacement « dans un pays neutre » « jusqu’à la mi-septembre » des matches impliquant ces trois Etats, qui totalisaient jeudi 1.546 des 1.552 décès recensés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La décision vise à « éviter de gros rassemblements de gens qui pourraient faciliter la diffusion du virus Ebola », explique à l’AFP Junior Binyam, chargé des relations presse de la CAF. Ainsi, le match Guinée-Togo sera joué à Casablanca et non à Conakry le 5 septembre. « C’est triste pour nous de jouer nos matches à domicile à l’étranger », souligne Ibrahima Blasco Barry, le secrétaire général de la Fédération guinéenne, à qui manquera particulièrement « la chaleur de (son) public ». Et d’ajouter : « on aurait tout à gagner en jouant ici en Guinée, mais nous sommes obligés de nous plier aux souhaits de la CAF et de nos adversaires ».
Refus ivoirien
La sélection sierra-léonaise délaissera de son côté Freetown pour Accra, où elle recevra la RD Congo le 10 septembre. Mais une grosse interrogation subsiste quant à sa première rencontre de poule, initialement prévue le 6 septembre à Abidjan, dont la tenue dans le pays est refusée « formellement » par le gouvernement ivoirien, selon Eric Kacou, un communicant de cette Fédération. Avec la Guinée et le Libéria à ses frontières, désormais fermées, et une absence d’infection que sa ministre de la Santé a elle-même qualifiée de « surnaturelle », la Côte d’Ivoire, au volontarisme sanitaire salué, ne reculera pas. « Nos autorités ne veulent prendre aucun risque », observe M. Kacou. Pourtant, l’équipe de Sierra Leone sera composée « dans son intégralité de joueurs évoluant à l’étranger, qui ne nécessiteront pas de certificat Ebola », rappelle Chris Kamara, secrétaire général de cette Fédération. Si le blocage persiste, les Eléphants, deuxième meilleure sélection d’Afrique (25e rang mondial, juste derrière l’Algérie, selon la Fifa) s’exposent à des sanctions, qui pourraient aller jusqu’à une interdiction de participer à la CAN, prévue du 17 janvier au 8 février au Maroc. L’argument des joueurs adversaires évoluant à l’étranger, loin des foyers contaminés, avait incité le ministre des Sports de la République démocratique du Congo Baudouin Banza Mukalay à accepter l’organisation de la rencontre face à la Sierra Leone à Accra. Moins d’une semaine plus tard, des cas d’Ebola étaient détectés dans son pays (13 morts aujourd’hui), à son tour devenu paria.
Exigence tunisienne
Par ailleurs, la fédération tunisienne a « exigé » de la CAF que la demi-finale de Ligue des champions d’Afrique, opposant l’équipe congolaise Vita club aux Tunisiens du CSS, soit jouée sur terrain neutre. Peut-être par ricochet, la fédération congolaise a alors à son tour demandé la délocalisation pour cause d’Ebola de son premier match qualificatif pour la CAN, le 6 septembre au Nigeria. Un pays jusqu’ici faiblement touché; cinq morts, tous à Lagos, même si le décès d’un sixième homme, à 400 km de la mégalopole nigériane, inquiète. La même mesure devrait s’appliquer à l’autre demi-finale de la Ligue des champions, la plus importante compétition inter-clubs du continent, entre un autre club de RD Congo, le Tout Puissant Mazembe, et l’équipe algérienne de Sétif. Ces délocalisations interviennent alors que jeudi, l’OMS a tablé sur une hypothèse de 20.000 cas de fièvre hémorragique au cours de l’actuelle épidémie, soit des milliers de pertes supplémentaires en Afrique, que les rassemblements sportifs peuvent indéniablement accélérer. Malgré des prévisions apocalyptiques, la Fifa a confirmé la tenue au Maroc du Mondial des clubs (du 10 au 20 décembre), auquel participera notamment le Real Madrid, au motif qu’il n’y a « aucun cas d’Ebola » dans le royaume chérifien et donc « aucune raison de parler d’un changement de site ». Ce même royaume que la fédération guinéenne remercie pour « avoir pris le risque de (l’) accueillir », à cinq mois du début de la CAN-2015, importante en terme d’image. Si Ebola le permet, ce sera la deuxième fois que le Maroc hébergera cette compétition.
Source AFP