Première Coupe d’Afrique des nations à 24 équipes, désignation tardive, insécurité sporadique: l’Egypte relève les défis pour accueillir de vendredi au 19 juillet le gratin du football africain, dans un calendrier où s’est ajouté l’enterrement de l’ancien président Mohamed Morsi.
Le pays a donc géré la mort de Mohamed Morsi, lundi, enterré mardi en toute discrétion et sous haute protection policière. L’ancien président égyptien était issu de l’organisation interdite des Frères Musulmans.
Un évènement de plus alors que le pays des « Pharaons » va accueillir une CAN, pour la cinquième fois, mais la première depuis la révolte de 2011.
C’est en janvier seulement que l’Egypte a été désignée par la Confédération africaine de football (CAF) pour remplacer au pied levé le Cameroun, écarté en raison du retard dans la préparation des infrastructures et de la situation sécuritaire.
Si l’Egypte ne connait pas de problèmes d’infrastructures — les trois stades du Caire et les trois autres à Alexandrie (nord), Suez et Ismaïlia (est), font parties des installations existantes — il n’en va pas de même pour la sécurité.
Attentats récents
La chute du régime d’Hosni Moubarak à la faveur de la révolte de 2011 a été suivie d’une longue période d’instabilité sécuritaire, dont les soubresauts agitent aujourd’hui encore le pays.
Une insurrection menée par une branche locale du groupe Etat islamique (EI) continue de sévir dans le nord du Sinaï (est de l’Egypte). Des centaines de policiers et militaires ont été tués depuis la destitution par l’armée en 2013 de feu Mohamed Morsi.
Des attentats récents ont visé des touristes étrangers et la communauté copte orthodoxe. En réponse, l’ex-maréchal Abdel Fattah al-Sissi, élu président en 2014, mène une répression sans pitié contre l’extrémisme islamiste, mais aussi contre toute forme d’opposition.
Et l’Egypte accueille la première CAN à 24 équipes contre 16 équipes auparavant, ce qui représente un effort d’organisation et de logistique supplémentaire.
Malgré le peu de temps accordé à l’Égypte, les autorités et la CAF répètent sans cesse que l’Egypte est prête.
« Les six stades sont magnifiques, de classe mondiale. (…) Il n’y a plus de détails sur lesquels travailler, tout est prêt! », a affirmé à l’AFP le dirigeant nigérian Amaju Pinnick, le président du comité d’organisation de la CAN.
Couacs
Mais les dernières semaines n’ont pas été exemptes de couacs. Fin avril, le comité d’organisation s’est attiré les critiques de supporters égyptiens après avoir annoncé des prix jugés élevés pour les billets des matches des « Pharaons », alors le pays lutte pour sortir d’une grave crise économique.
Selon les chiffres officiels, 28% des Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté et le revenu mensuel moyen par habitant est d’environ 4.000 livres égyptiennes (210 euros).
La colère des fans a contraint les organisateurs à réduire le prix des billets pour les matches de l’Egypte à 150 livres (8 euros) au lieu de 200 livres.
« Le débat sur le prix des tickets a montré un manque préparations », a dit à l’AFP le journaliste sportif égyptien Walid al-Adawi. Ce dernier estime que les prix élevés des billets devaient favoriser l’accès des tribunes à « une certaine catégorie de personnes, capable de se débrouiller sur internet ».
De nombreux égyptiens n’ont pas d’accès internet ou ne peuvent utiliser ce moyen pour réserver leurs billets. Et le prix ne les a pas encouragés à se rendre dans les cybercafés pour réserver en ligne, y compris après la baisse de prix opérée.
Lors de la dernière CAN en Egypte en 2006, les stades étaient remplis de fans de tous âges et de toutes catégories sociales.
« Toute expérience a des difficultés au début », philosophe Mohamed Fadl, ancien joueur égyptien et directeur exécutif de la CAN.
Autre sujet de mécontentement: la question de la diffusion des matches à la télévision.
Les autorités égyptiennes, qui comptaient sur une diffusion à la télévision publique via le satellite Nilesat, ont vu leurs plans contrariés en raison des droits qui sont détenus par la chaîne qatarie beIN Sports.
Réservé aux plus aisés
En tant que pays hôte, l’Egypte peut recevoir les images, mais celles-ci ne pourront être diffusées que sur le réseau hertzien, ce qui implique l’achat d’antennes adéquates, à des coûts souvent prohibitifs pour certains ménages égyptiens.
Dans un pays de près de 100 millions d’habitants, soumis à une forte inflation, l’abonnement à beIN est réservé aux plus aisés et aux propriétaires de cafés désireux d’attirer la clientèle.
« Est-il raisonnable que l’Egypte, pays hôte, ne puisse pas diffuser les matches sur ses chaînes satellite? C’est ridicule », estime Ahmed Abdel Meguid, fan de football égyptien avant d’ajouter: « le football en Egypte est plus important que la politique. C’est le seul divertissement ».
Mais pour les autorités, l’organisation de la compétition se déroule comme prévu. « Il n’y a pas de crise dans la Coupe d’Afrique des Nations 2019 », a déclaré le ministre égyptien des Sports Ashraf Sobhi en février.
Pour l’Egypte, les enjeux sont de taille: il s’agit d’affirmer le retour du pays sur la scène internationale après le chaos de 2011. Il s’agit également d’effacer le fiasco de la Coupe du Monde 2018 en Russie qui avait vu l’équipe égyptienne médiocre et rapidement éliminée. AFP